2.11 - Outside New Canaan

J’ai besoin de faire le point pour y voir plus clair. L’Armagédon est plus que proche. Les carnies et les immigrés sont rassemblés à New Canaan, immense campement devenu le seul refuge d’une population souffrant de la famine et du désespoir. Du haut de sa colline, Justin observe le peuple, son peuple, celui pour lequel il est devenu un prophète. Il compte même devenir plus que ça : il a à ses côtés un homme politique qui peut lui assurer d’être entendu jusqu’au sein du Congrès. Justin a le monde à ses pieds. Il peut en devenir le Roi, l’Empereur, le chef absolu. Mais alors qu’il est devenu une figure aimée de tous, sa propre famille s’est détournée de lui. Sa sœur et son père adoptif, son mentor, cherchent à l’éliminer. Justin aura beau s’entourer d’un chien fidèle et sauvage comme Stroud, il aura beau avoir une armée autour de lui, la plus grande menace qui pèse sur lui ne vient pas de l’extérieur : elle vient de sa famille la plus proche.

Norman a laissé entrer Ben dans sa maison. Il lui a montré, d’un regard plein de détermination et qui semblait dire « ne rate pas ton coup, petit », où trouver la chambre de Justin. Et Iris, surprenant Ben dans la chambre de son frère, ne le fait pas arrêter. Non. Elle lui indique plutôt où se trouve Justin, et invite Ben à se faire baptiser… On a presque l’impression qu’elle lui explique : « Il n’est pas là, mais choisis bien ton moment et tu auras la possibilité de te rapprocher de lui lors de ce baptême. » Elle ordonnera à Ben de laisser la hachette avec laquelle elle l’a surpris, et la déposera, tel un chocolat à la menthe que l’on trouve dans les hôtels, sur l’oreiller de son frère. Cette femme est machiavélique… Non seulement elle voit très bien le malaise que cette arme va provoquer sur son frère, (rappelez-vous le « he means to kill me », qu’elle a parfaitement entendu), mais en plus, elle lui va volontairement lui cacher que son ennemi est proche. Alors que Justin aurait pu reprendre le dessus, devenir le chasseur et Ben la proie (et avec une armée à ses côtés, c’est plus facile), elle confine son frère dans la peur et la crainte que la dague qu’il a vu dans son rêve ne lui transperce le cœur…

Lorsque Justin voit la hachette posée délicatement au travers de son oreiller (le lit, lieu de ses pires cauchemars et des pires actes qu’il ait commis), son premier réflexe est de la saisir par le manche pour l’observer. Mais le contact avec l’arme le brûle : Ben a réellement un ascendant sur Justin que le prêtre n’a pas. Ou que l’on n’a pas encore vu…

Il ne le montre pas, mais Justin craint Ben. Ou bien il s’impatiente… Il veut rencontrer son ennemi, celui dont il a vu le visage, celui qui la nuit en veut à sa vie. Celui qui, armé d’une dague ancestrale, a non seulement le pouvoir de le tuer, mais également la volonté. Mais si Justin réussit à éliminer son ennemi mortel, alors rien ne l’arrêtera plus. Et qui sait quels sont les plans de Justin ?

Ce que l’on apprend, en tout cas, c’est que l’avatar de l’obscurité a bien reçu sa faveur. Il se coupe avec son rasoir et l’on aperçoit le sang bleu, le signe qu’il est à présent le Prince de l’Obscurité. La question qui se pose à présent est la suivante : Justin est-il le Usher ? En quoi cela le rendrait-il plus puissant, ou plus menaçant ? Ben a-t-il vraiment le pouvoir de le contrecarrer ?

Le Prince de la Lumière est proche de son ennemi. Il a réussi à se faufiler dans la maison de Justin, malgré la présence armée qui l’entoure. Son seul est unique but est de réussir à s’approcher suffisamment pour planter dans le cœur de Justin la dague que sa grand-mère lui a confié, et qui est gorgée du sang des avatars précédents… Je n’y avais d’ailleurs jamais pensé, mais serait-il possible qu’elle se soit servie de cette dague pour tuer le père de Scudder et ses frères ? Le père de Scudder était-il un avatar de l’obscurité (en tant que membre fondateur du KKK, je vois comment il aurait pu être du côté de la lumière…), assassiné par une femme qui a perdu l’esprit au moment de la naissance de son fils (ce qui semble être une constante pour toutes les femmes qui ont partagé le lit d’un avatar et porté leur enfant) ?
Parenthèses closes, revenons à Ben et à son courage, ou témérité, incroyable. Même en sachant qu’il n’échappera pas à la mort s’il s’attaque à Justin, car ses sbires auront certainement raison de lui, Ben ne recule pas devant sa destinée. Même amoureux, il ne peut penser à ce qu’il va perdre. En revanche, il continue de s’inquiéter pour Sofie, qu’il surprend à New Canaan en train d’être baptisée par Brother Justin (quelle cruauté… être « lavée de ses pêchés », « sauvée », par un homme qui a violé sa mère…). Il réussit à la prendre à part et lui explique que Justin n’est pas celui qu’elle croit, et qu’il est dangereux. Sofie ne le croit pas, mais Ben saura semer le doute en elle. Il est russe et se nomme Alexi Belyakov, lui dit-il, il cherche à me tuer…
Ainsi, lorsque Sofie surprendra une dispute entre Justin et sa sœur, à propos de la hachette laissée sur l’oreiller, et qu’ils parleront russe, Sofie commencera à se méfier… Et toute l’attitude de Justin prendra un autre aspect aux yeux de la jeune femme. De plus, la cérémonie du baptême prend un tournant inattendu lorsque le cadavre d’Eléonore flotte jusqu’à Justin… Le prêtre fait croire à un suicide… Mais cet accident sème un certain malaise…
En faisant le ménage, Sofie ouvrira un tiroir, par curiosité, et trouvera le masque brisé de Ben. Justin, remarquant son malaise, lui demandera si elle sait où cet homme, mais heureusement, elle lui mentira…

Et tout empirera… Lors du dîner du soir, Justin demande à Sofie de cesser de nourrir Norman. Il se debrouille très bien tout seul, imposera Justin. Et le pauvre homme d’essayer, sans succès, d’apporter la cuillère à sa bouche. Justin veut que Sofie s’asseye à ses côtés. « Just like a real family », se vantera-t-il, dans toute sa perversité… Quelle belle famille… Une fille illégitime issue d’un viol, un prêtre auteur de ce crime, une sœur dont il est amoureux, un père adoptif souffrant atrocement et ne souhaitant qu’une seule chose : la mort de son fils.

Iris avoue à Norman que Sofie est la fille de Justin et de la « diseuse de bonne-aventure » dont son frère était tellement obsédé, à St Paul. The fortune teller… C’est exactement par ces mots que Lucius Belyakov appelait Appolonia… En quoi cette information pourrait servir les desseins d’Iris et de Norman ? En quoi le fait d’être sa fille va-t-il aider Sofie ou au contraire, la mettre en danger ?

Alors que le tonnerre gronde au dehors, Justin tente une dernière fois de prendre le contrôle de Sofie. Il lui semble qu’elle ne s’est pas complètement abandonnée à l’ « appel », à son appel… Mais Sofie a définitivement changé d’avis sur celui qu’elle croyait être son rédempteur. Elle se méfie. Et n’est pas assez stupide pour laisser voir ce qu’elle pense vraiment. Je n’ai plus peur pour elle. Je sais qu’elle est assez forte pour se défendre elle-même.

Au moment même où Justin tentait de prendre l’ascendant sur Sofie, Ben s’apprêtait à se ruer sur lui et à la tuer. Peu importait que des gardes fassent le tour de la maison, peu importait la mort, il était prêt. Heureusement, Jonesy l’empêchera de jouer au kamikaze et l’éloignera de la maison. L’affrontement n’aura pas lieu tout de suite.

Jonesy avait laissé Ben seul à New Canaan le temps de ramener des renforts, c’est-à-dire la troupe du Carnivàle. Car il a bien compris que seul, il serait difficile d’atteindre Justin. Mais il ne savait pas qu’au sein de la troupe se tramait une mutinerie. Lila a confronté Samson à ses mensonges et a continué son travail de langue de vipère auprès de tout le monde… Et il est facile de convaincre des gens qui ont faim. Samson se retrouve bientôt avec une vraie révolte. Stumpy et Rita Sue ont du mal à comprendre ce qu’ils vont bien pouvoir gagner comme argent dans un campement de chrétiens, et Rita Sue menace Samson de partir. Elle ne le fait pas dans la colère, mais parce qu’elle est triste, triste d’en être arrivée là. Elle lui rappelle même que c’est lui qui les a emmené à Babylon, là où leur fille a été assassinée. Elle oublie que c’est elle qui a insisté pour faire le show dans son intégralité alors que Samson lui avait fortement déconseillé. Mais c’est une autre histoire. Rita Sue ne veut pas quitter le Carnivàle, mais plus rien ne la retient aujourd’hui. Elle voudrait emmener sa fille avec elle, mais Libby refuse. Jonesy l’attend, lui explique-t-elle, ce que sa mère ne croit absolument pas. Et pourtant… Jonesy reviendra pour Libby, et le couple montrera à la désabusée Rita Sue qu’ils tiennent vraiment l’un à l’autre. Stumpy, devant le regard affreusement triste de sa femme, lui lancera même un : "You know baby, you’re going to have to get over him one of these days." Oui, c’est vrai. Il faudra bien qu’elle s’en remette.

Jonesy et Samson s’en vont donc rencontrer Iris et lui proposent leurs spectacles « pour le Seigneur ». Le dialogue entre les trois personnages est absolument délicieux. Iris fait semblant d’être idiote, et Samson et Jonesy font semblant de ne pas vouloir d’argent… Mais en obtiendront à la fin tout de même.
De retour au campement avec cette bonne nouvelle, ils sont pourtant accueillis par la zizanie que Lila a semée. Elle veut parler au Management, et Samson la laisse faire… Le mensonge prend alors fin. Samson est obligé d’avouer que le Management est mort à Damascus. Mais à présent, tout est remis en doute. Et si le Management n’avait jamais existé ? Si Samson n’avait jamais fait les choses qu’à sa tête ? La troupe refuse d’aller à New Canaan. Mais Justin a besoin d’eux, explique Jonesy. Seulement Ben n’a jamais rien fait pour eux, répliquent les carnies. Libby supplie Jonesy de montrer ce que Ben a fait. Et ce n’est qu’alors que tout semble perdu que Jonesy revient sur sa promesse et prouve à tous ceux qui doutaient que Ben n’est pas qu’un simple gosse de Milfay… Ben est bien plus… Mais cela va-t-il suffire à garder les carnies ensemble ? Lila ne semble pas prêtre à renoncer à faire du mal à Samson. Les seuls qui semblent encore fidèles à Samson sont Ruthie (mais peut-on faire confiance à Lodz), son fils, Jonesy et Libby. Stumpy, peut-être, car il n’est pas aussi amère que Rita Sue… Vont-ils suffire à garder la cohésion au sein de la troupe ? Ben a besoin de leur soutien. Il a besoin de la famille qui l’a adopté, ou presque. Justin a tout une ville à ses pieds.

Iris semble parfaitement savoir que l’ennemi de son frère fait partie du cirque, et le fait qu’elle autorise le Carnivàle à s’installer est une preuve de son machiavélisme supplémentaire. Lorsque Justin apercevra la Grande Roue à l’horizon, elle lui dira d’une voix innocente : "Isn’t it lovely ? Remember who we used to love it so as children." Et Justin de ressentir ce malaise qui précède tout événement majeur... : "He gathered them together in a place called Armageddon."