Accueil > Reviews > Saison 2004/2005 > Carnivale - Saison 2 > 2.05 - Creed, OK
Carnivà le
2.05 - Creed, OK
You are forgiven
vendredi 11 février 2005, par
Un épisode mené d’une main de maà®tre, convaincant dans sa façon de semer le trouble chez le spectateur, absolument génial dans l’installation d’une ambiance de plus en plus étouffante. Et une phrase, jusqu’à présent sous-entendue, cachée, est prononcée au grand jour par Samson :
"We both know, wherever it is you’re headed, it’s likely gonna be a one-way trip..."
Ben s’aventure dans la caravane du Management. Il fait nuit et tout autour de lui est recouvert d’une épaisse couche de poussière noire. Serait-ce des résidus d’une explosion nucléaire ? Les restes d’un combat démentiel entre deux entités adversaires ?
Ben s’approche des tentures qui protègent le Management. D’un geste lent, il les entrouvre. Justin surgit alors du néant, les yeux noirs de rage et le cri d’une bête. Il porte le tatouage du Usher… Ben se réveille.
La troupe est installée à Creed, en Oklahoma, et Ben réussit à trouver l’adresse de l’homme qui a signé le masque mortuaire de son père. Evander Geddes habite une demeure cosy, bien entretenue, entourée d’un gazon vert (chose exceptionnelle à cette époque j’imagine). C’est un homme d’apparence chaleureuse, rondouillard, précieux, et étrangement très mielleux.
Le poussiéreux Ben Hawkins se retrouve donc à prendre le thé dans des tasses en porcelaine de chine, assis sur un canapé confortable au milieu d’un salon typiquement anglo-saxon (comprenez : vomissant des fleurs et du mauvais goût un peu partout). Son hôte semble particulièrement excité d’avoir de la visite. Ben lui pose des questions sur le masque de Henry Scudder, et Geddes lui répond très succinctement. Non, Scudder n’est pas mort ; il était bien vivant quand le masque a été fabriqué. C’était un cadeau pour sa tendre mère… car "Even a hard heart has soft spot for mom..." Même quand cette "Mom" a tué votre père et vos oncles en les égorgeant ?
Geddes coupe court à la conversation pour s’intéresser de plus près au visage de Ben. Celui-ci semble le fasciner… Et je dois avouer qu’en le regardant avec les yeux envieux de Geddes, j’ai pensé qu’il avait effectivement un visage captivant, le petit Ben Hawkins. Si jamais je n’avais fait attention à son charme (ce n’est pas le genre de série à tout miser sur le physique avenant de ses acteurs), je me suis rendue compte dans cet épisode qu’il y avait effectivement quelque chose d’enfantin dans son expression. Quelque chose de parfait, de beau, de doux et de perdu à la fois. Bref, je me suis rendue compte que Ben Hawkins a bien plus de charisme que je ne le croyais jusque là, tout fascinée que j’étais par la présence incroyable de son rival, le prêtre Justin Crowe. Ben a la beauté de l’innocence. Justin a la beauté de la perversion et du mal… Et Geddes, lui, l’attitude d’un vieux psychopathe…
Le thé à la cannelle que Ben boit timidement est drogué ; rapidement, Ben perd connaissance. Il se réveille, pieds et poings liés à une table horizontale. Autour de lui sont posés des dizaines de masques d’enfants. Geddes en porte d’ailleurs un, ce qui lui donne un air terrifiant de fou dangereux tout droit sorti d’un univers noir et glauque… Son but est de capturer l’âme, explique-t-il à Ben. On frissonne : qu’a-t-il bien pu arriver aux enfants dont il expose les masques ? Et que va-t-il arriver à Ben ? Le plâtre le recouvre bientôt tout le visage… Il ne pourra bientôt plus respirer… Et c’est le noir à nouveau.
Quand il reprend connaissance, Ben panique (on le comprend sans mal), exige des réponses auprès de Geddes et cherche des traces de plâtre sur son visage, mais il ne trouve rien. Geddes est en train de peindre une statuette, et agit comme s’il ne savait pas de quoi Ben voulait parler. On est d’abord persuadé, comme Ben, que Geddes ment et qu’il fait semblant de ne rien savoir pour éviter la colère de Ben… Mais devant son attitude sereine et posée, on finit par avoir des doutes : et si Ben avait rêvé cette expérience ? Et s’il avait eu une de ces visions ? Finalement, Ben garde pour lui ses questionnements, et fait confiance au collectionneur de poupées de porcelaine… Qui lui donne l’adresse à laquelle il avait fait parvenir le masque de Henry Scudder : il s’agit de la Old Blossom Cherry Road, indice inutile à présent. Ben repart, se persuadant qu’il n’est rien arrivé pendant qu’il était chez Geddes.
Mais une fois qu’il a franchi la porte, l’étrange homme tourne le bouton de sa radio et écoute le prêche de Brother Justin… Nous apprendrons, dans les dernières minutes de l’épisode, que Geddes en sait plus qu’il ne le laissait paraître. Et qu’il a choisit son camp : il a envoyé le masque de Ben à Justin. Le prêtre dévoyé observe le masque, l’approche de son visage, comme pour tenter de se mettre à la place de cet homme qu’il a déjà aperçu, mais dont il ne sait encore rien. Le masque, qui semble alors doué de vie, entoure le visage de Justin, tente de l’étouffer ? Non, bien au contraire, le masque lui donne la possibilité de voir à travers les yeux de Ben…
Cette utilisation magique du masque est fascinante. Les masques sont une longue tradition humaine, les sumériens fabriquaient déjà des masques mortuaires, ainsi que les égyptiens. Ils ont de multiples rôles et de multiples significations, mais l’une d’entre elle est bien entendu de capturer la magnificence d’un personnage connu et reconnu, et de rendre compte à la postérité de sa valeur. Le masque a une valeur sacrée. Dans le cas de Carnivàle, le masque est une marque lisse et parfaite de personnages au contraire très troubles… Et le fait que Geddes essaye de capturer l’âme de ses victimes me rappelle que le visage n’est pas qu’une partie du corps. Elle est le reflet de l’âme, la partie la plus fragile de l’homme et celle qui se donne à voir sans pouvoir se protéger. Et pour Justin, elle est une fenêtre vers ce que Ben voit, et de quel univers il fait partie. Et que voit-il ?
Samson et Jonesy sont au premier plan, mais également Lilah, et les caravanes du cirque… Et dans un miroir, il voit le visage de Ben, clairement et sans l’artifice des visions.
Justin a à présent un avantage certain sur Ben. Même s’il est à la poursuite de Scudder, les derniers indices vont l’amener à en savoir plus sur Ben. Et il sait exactement où le trouver… Sans oublier que Stroud, l’archangel à tendance sociopathe, est déjà sur place. Et sa présence ne fait qu’augmenter la pression incroyable que les scénaristes entretiennent depuis le début de cette saison.
Stroud cherche à en savoir plus sur le "jeune Scudder", car il ne sait pas que Ben a hérité du nom de sa mère et non de celui de son père… N’obtenant rien de Jonesy, il se tourne vers Samson, mais ne réussit qu’à se le mettre sur le dos en l’insultant… Samson ne croit pas une seule seconde que Stroud soit un policier, ce qui énerve notre archangel au plus haut point et lui fait révéler son vrai visage : celui d’une brute sanguinaire… Il menace Samson, qui ne laisse pas impressionner. Mais il sait déjà qu’il reviendra. Stroud a même l’occasion de discuter avec Ben, mais celui-ci a la bonne idée de ne pas avouer qu’il travaille pour le cirque, ni comment il s’appelle. Malgré tout, Stroud le regarde de façon suspicieuse…
L’autre événement important de cet épisode, c’est le choix que fait Sofie de relire les cartes. Ruthie lui a avoué, dans un moment de détresse, et croyant bien faire, qu’Apollonia continuait de veiller sur elle. Sofie prend d’abord très mal cette révélation : elle continue de rester dans son déni, comme si en croyant plus à la présence de sa mère, elle avait finir par disparaître. Mais finalement, ce que Ruthie lui a dit fait son chemin : sa mère est toujours auprès d’elle, et elle essaye, par l’entremise des cartes, de lui faire comprendre quelque chose. Sofie abdique donc, et décide de tirer ses cartes à Ben.
La première carte est le Deux de Bâtons. Sofie l’interprète ainsi : « A lord looking over his dominion as he turns away. Ashes, agony, disfigurment. » Au même moment, Ben a des visions de son père, chapeau haut de forme et queue de pie, le regardant droit dans les yeux. Il voit également se refermer une sorte d’armoire à pharmacie, au son de cris d’enfants pleurant ou d’animal souffrant… Ce n’est pas clair, mais une chose est sûre, ça laisse une drôle d’impression…
La deuxième carte est l’Amoureux. Sofie a une vision : Ben et elle, tout de blanc vêtus, s’embrassant passionnément, alors que derrière eux une explosion retentit.
Sofie demande à Ben ce qu’il a vu, et il lui répond « rien », mais nous ne pouvons être sûrs qu’il n’a pas eu la même vision. Il pourrait, de peur de gêner Sofie, lui cacher la vérité. « Attraction. Passions. Trials conquered » explique-t-elle…
La troisième carte est la Lune (dont j’ai parlé dans ma dernière review), et Ben voit alors clairement deux tours surplombant un désert ; un chien et un loup hurlant à la lune, et l’image d’un visage défiguré, à qui on l’aurait enlevé la peau… Il n’attend pas l’interprétation de Sofie : il croit savoir ce que cette carte veut dire. Et il quitte la caravane.
Derrière Sofie se dresse la silhouette de sa mère, cachée sous son voile. « You were always the one who read the cards », dit une étrange voix, d’un genre indéfinissable, mais qui je dois l’avouer m’a fait hérisser tous les poils de mon corps... Sofie se retourne vers sa mère, et elle ne semble pas surprise… En acceptant de se soumettre à ces cartes, elle a retrouvé sa mère… Et qui sait ce qu’Apollonia va vouloir lui faire faire, après avoir essayé de la tuer.
Ben reconnaît l’endroit de sa vision avec l’aide de Samson, qui lui montre des cartes postales : il s’agit de Damascus, au Nouveau Mexique. Et c’est là que se trouve Henry Scudder…
A Mintern, la relation entre Justin et sa sœur prend une nouvelle dimension. Après que Tommy Dolan ait apporté toutes les preuves nécessaires à l’inculpation d’Iris, Justin semble bien décider à mettre sa sœur sur la chaise électrique. Et elle est bien décidée, de son côté, à se sacrifier pour lui. Dans une scène magnifique, Iris, assise, surplombe pourtant son frère, qui se retrouve sans pouvoir devant elle. Il ne peut se cacher derrière ses excuses habituelles. Elle sait parfaitement quelles sont ses intentions, mais elle veut d’abord qu’il lui demande, bien en face, ce qu’il attend d’elle, à savoir qu’elle prenne la responsabilité pour le meurtre de ces enfants.
« You never had to ask, I’ve always known what you want and I’ve always been the one to pray the price. »lui dit-elle. Mais cette fois-ci, elle est décidée. S’il veut qu’elle prenne la responsabilité de cet incendie, il devra lui demander.
« If you want me to do this, you’re going to have to ask. »
Et Justin de faiblir, incapable de prononcer ces mots.
« Go ahead, ask me to turn myself in »
« I can’t », avoue Justin, pour la première fois flanchant devant son devoir...
Iris se rapproche de lui : « Ask me »…
Son pouvoir sur lui est impressionnant. Pas étonnant que Justin essaye de s’en affranchir. Elle est capable de tout.
Et même de tout avouer à Tommy Dolan, d’inventer une raison bidon pour avoir voulu la mort de ces orphelins… Justin, qui, dans une dernière tentative de manipulation et de perversité, susurre à sa sœur : « You are forgiven ». Comme s’il avait encore ce pouvoir…
Un épisode dérangeant, étrange, dans lequel l’étau se resserre de plus en plus autour de Ben, de Sofie (dont le rôle est à présent renforcé), et d’Iris. Dans le cirque, Stumpy dépense toutes les économies de Rita Sue et fait un mauvais pari sur un match de boxe ; il perd tout. Samson s’inquiète-t-il vraiment pour Sofie quand il explique à Ben que là où il va, ce sera sans retour, et quelle n’a pas besoin de perdre encore un être cher… Enfin, oui, le mot a été prononcé : le destin de Ben est sà »rement de mourir. D’une façon ou d’une autre. La mort est au bout du voyage…