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Urgences
11.14 - Just as I am
Can you accept me for what I am ?
mercredi 2 mars 2005, par
Désolé ! Ce n’est pas Joma qui, cette semaine, va vous offrir votre dose de review d’Urgences. Ne croyez cependant pas qu’il a abandonné son poste pour forniquer avec Elisa Drushku. Non, l’homme a des circonstances atténuantes fortes. Depuis près de deux ans, semaine après semaine, il passe en revue pour vous des épisodes routiniers d’Urgences après d’autres épisodes routiniers d’Urgences. Du coup, devant l’exceptionnelle qualité de celui dont je vais vous parler aujourd’hui, il s’est retrouvé dépassé. Son pauvre cÅ“ur fragile s’est emballé, la sueur a perlé sur son front, etc. Du coup, et même si aucun article de Libération ne semble en cause, je surgis pour un remplacement au pied levé. Une chance, Joma n’a pas fuit à la campagne et sera au poste dès la prochaine review.
La nuit est tombée sur Chicago. Kerry est debout dans la rue, sur le bord d’un trottoir. Le froid glacial souffle autour d’elle ; elle ajuste son bonnet. Son regard est fixé sur l’entrée d’un hôtel. Enfin, elle se décide, traverse rapidement la chaussée, passe en trombe devant le portier, comme sans le voir. Arrivée devant une des chambres de l’hôtel elle frappe et s’annonce. Une femme lui ouvre, Helen. Kerry lui dit qu’elle ne veut pas en rester là, sur les choses qu’elles se sont dites. Si c’est son cas, par contre, elle s’en ira. Comme si elles ne s’étaient jamais rencontrées.
GENERIQUE, et avec lui 45 secondes pour nous poser des questions. Qui est cette femme ? Après Kem, les scénaristes vont-ils nous sortir une nouvelle relation sentimentale de leur chapeau magique ?
Pas de réponse immédiate puisque nous retrouvons Susan et Sam, animatrice de "la minute de la science dans la vie quotidienne" en chemin de bon matin pour une nouvelle journée de travail aux Urgences.
Là, quelle n’est pas notre surprise de constater que c’est Kerry Weaver herself qui dispatche les cas du matin aux médecins plus ou moins volontaires. Susan nous explique (enfin, elle explique ça à Neela et Jane, mais c’est tout comme) qu’elle effectue deux rotations par mois pour garder la main. Au grand bonheur de Susan, ajoute Carter : elle en profite pour laisser quelqu’un faire le chef à sa place, ça lui fait comme un jour de vacances. (Comme il n’y a que quatre épisodes par mois au mieux, on se dit que les scénaristes devraient en profiter pour faire apparaître Kerry beaucoup plus souvent.)
C’est business as usual aux Urgences, et Kerry est sur tous les coups. Que ce soit Pratt, en retard, qui fait son maximum pour ne PAS enseigner à son étudiante, ou Abby et le Dr. Scanlon qui flirtent au ras du sol, rien ne lui échappe. Au milieu de tout ça, une infirmière vient la chercher car une patiente demande à être traitée par elle.
Elle rencontre ainsi une femme qui a eu des problèmes respiratoires, mais qui semble ne plus vraiment souhaiter être examinée, prétendant aller mieux. Nous découvrons son visage. C’est la femme du teaser, mais elle se présente sous un autre nom, Mrs. Williams. Kerry ne la connaît pas. Mais elle, elle connaît Kerry, apparemment d’une précédente visite à l’hôpital. Sous couvert de s’interroger sur la carrière à laquelle se destine la fille d’une amie, la femme demande à Kerry si la médecine était sa vocation — c’est le cas — et si elle est heureuse de la pratiquer — c’est aussi le cas.
Intriguée, Kerry demande à l’infirmière de ressortir le dossier de sa précédente visite au County.
LES QUESTIONS
L’infirmière revient voir Kerry. Elle n’a pas trouvé de traces d’un précédent passage de cette Mrs Williams. Et quand elle a essayé de l’interroger, elle est devenue très nerveuse. Kerry décide d’aller la voir pour en avoir le cœur net. Mais, de fait, la patiente a quitté sa chambre à l’instant. Kerry prend les devants et part sur ses traces.
Elle la rattrape sur la cour devant l’hôpital. Elle essaye de la persuader d’attendre les résultats de ses examens. Mais le femme lui explique qu’elle n’est pas malade. Qu’elle ne s’appelle pas Williams mais Helen Kingsley. Et qu’elle est sa mère.
LE CHOC
De retour à l’intérieur, Kerry est happée par les diverses sollicitations auxquelles elle répond d’une oreille distraite, entre de fréquents coups d’œil vers sa mère qui l’attend, debout, toujours dans son blouson. Après avoir vaguement répondu aux attentes, Kerry annonce — à la surprise générale — qu’elle va faire une pause.
On la retrouve à la cafétéria, partageant un café avec cette inconnue si proche. Comment l’a-t-elle retrouvée ? Pourquoi maintenant ? Helen explique qu’elle a pu la contacter grâce à une lettre que Kerry lui a envoyée. Le visage du Docteur se contracte. Cette lettre, elle l’a envoyée il y a quatre ans.
L’INCOMPREHENSION
Les choses ne s’arrangent pas vraiment quand elle apprend qu’Helen ne vit pas très loin de Chicago, qu’elle aurait pu y venir à tout moment. Kerry interroge Helen un peu brutalement, lui explique à quel point elle s’est débattue pour retrouver sa trace. Helen se braque, s’apprête à partir. Se calmer, la rassurer, la faire rester...
La tension descend d’un cran. Helen explique à Kerry qu’elle fait partie d’une chorale, qu’elle répète avec eux pour une représentation cette semaine à Chicago. D’ailleurs, une répétition l’attend. Elle doit y aller. Kerry lui donne le numéro des Urgences. Elle rappellera dans les deux heures. Elle promet. Elle est déjà partie.
LA FRUSTRATION
Kerry n’a plus qu’à remonter et reprendre le travail. Elle demande à ce que soit renvoyée chez elle la patiente de Carter et Neela avec la prescription de Demerol qu’elle souhaite sans que d’autres questions soient posées, et retrouve Jane qui recoud des patients sans l’ombre d’un Pratt à l’horizon pour la superviser. Dans une salle de soin, Abby et Scanlon, les flirteurs du jour, sont autour d’un patient avec Susan. Kerry débite des colles. Cherche sèchement à coincer, se montre aussi cassante qu’elle peut l’être dans ses pires moments. "Merci, on va s’en sortir", lui dit Susan. Puis, à part : "Vous savez, cette pause que vous avez prise tout à l’heure ? Peut-être qu’il vous en faudrait une autre". Kerry repasse à l’accueil. Est-ce qu’il y a eu un coup de fil pour elle ? Non. Est-ce qu’il est sûr d’être resté tout le temps au standard ? Oui ? Elle y va, elle doit y aller. Non sans avoir refilé une demi-douzaine de cas à Carter.
Kerry arrive un peu avant la fin de la répétition de la chorale à l’église et peut voir sa mère chanter. A la fin, celle-ci s’approche d’elle et lui demande si deux heures ont déjà passées. Non. Mais comment aurait-elle pu attendre ?
LA DECOUVERTE
Helen s’interroge sur la béquille de Kerry. Elle lui indique qu’il s’agit d’une dysplasie congénitale de la hanche. Helen est surprise et choquée de découvrir que c’est là quelque chose qu’elle a ’donné’ à sa fille. Et Kerry, elle, découvre que la vérité n’est jamais évidente. Elle s’était imaginée que c’était précisément cet handicap de naissance qui avait causé son abandon.
Helen explique a Kerry qu’elle a deux autres enfants, qu’elle est divorcée. Sa séparation lui a été très pénible, mais l’église l’a reconstruite. Elle lui apprend enfin que, si elle s’est décidée aujourd’hui à la contacter, c’est parce qu’elle vient d’apprendre que le père biologique de Kerry est décédé. Lui et Helen étaient adolescents quand elle est survenue sa grossesse. L’avortement n’a jamais été une option. Ils avaient fait des plans pour accueillir cet enfant, s’étaient imaginés comment faire face. Mais au bout du compte, Helen a préféré faire le choix de la certitude. Celui de savoir que Kerry serait élevée dans une famille qui saurait prendre soin d’elle. Kerry lui confirme qu’elle a eu une enfance heureuse. Helen lui raconte qu’à la naissance, on ne lui a pas laissé prendre son bébé dans ses bras, ni même la voir.
L’ESPOIR
Le bip de Kerry sonne. On a besoin d’elle. Là voilà de retour aux Urgences. Susan s’inquiète : quand elle lui a demandé de faire un autre break, ce n’était pas littéral. Mais Kerry ne l’avait pas pris mal. Frank constate son retour. Mais quand il lui pose la question, Kerry répond le sourire aux lèvres qu’elle repartira. Elle reprend le contact avec les cas du jour. Abby et Scanlon sont toujours en train de traiter le même patient en flirtouillant. C’est une Kerry bienveillante qui leur demande d’essayer de passer au cas suivant. Du coup, Jake Scanlon s’interroge : est-ce qu’elle a des personnalités multiples ? Au passage elle passe aussi son premier cas à Bennet, venu remplacer Morris, dans des termes, disons, adaptés à la personnalité de Malucci 2.0. Et elle ne s’offusque même plus de ce que Pratt fasse à peu près tout et n’importe quoi sauf s’occuper de son étudiante.
Kerry passe au vestiaire pour prendre ses affaires. Susan travaille sur des dossiers. Kerry lui révèle qu’elle vient d’être contactée par sa mère. Elles vont manger ensemble au restaurant, Kerry repassera à l’hôpital ensuite. Elle explique à Susan que cela fait beaucoup de choses à encaisser. Sa mère lui a dit certaines choses, et elle-même en a encore beaucoup à lui dire.
Au restaurant, Kerry raconte son enfance. Elle explique à sa mère que ses parents sont morts pendant qu’elle était à l’Université. Ils ne l’ont jamais vus devenir médecin. Mais son plus gros regret est qu’ils n’ont pas connu leur petit-fils. ’’Tu as une famille ?’’, lui demande sa mère. Et Kerry de lui montrer une photo d’elle avec son fils et Sandy. Helen est impressionnée. Avec ce petit enfant et son travail, pas étonnant qu’elle ait besoin d’une nounou. Le visage de Kerry s’assombrit dans un moment inconfortable.
LA PEUR
Helen lui demande si son mari est également docteur. Kerry lui répond qu’elle est seule maintenant, après un accident l’an passé. Helen lui prend la main en un geste de soutien. Et lui explique qu’elle est persuadé que ni la mort ni aucun drame ne peut nous séparer de l’amour de Dieu. Et Kerry, mal à l’aise, de fixer les yeux de sa mère.
Kerry s’accorde un instant de solitude dans les toilettes du restaurant. Le moment est tendu, elle peine à retenir ses larmes.
De retour à table, Helen montre à Kerry des photos de sa famille, et une photo d’elle et de son père alors qu’elle était enceinte. Kerry lui présente à nouveau la photo ou elle entoure son fils avec Sandy. "Voici ma famille", lui dit-elle.
L’AFFIRMATION
"Cette femme s’appelle Sandy Lopez et ce n’est pas ma nounou. C’était ma partenaire.
Ta partenaire ?
Mon amante, ma femme, la mère de mon enfant." Un long, interminable moment de silence. Avant qu’enfin, Helen ne réagisse. "Tu es gay ?"
Kerry répond quelle aurait aimé lui dire plus tôt mais qu’elle avait peur. Ses parents sont morts avant qu’elle ne l’ait accepté, elle n’a jamais eu l’occasion de leur dire.
"Alors ils n’ont pas su que tu avais fait ce choix ?
Ce n’est pas un choix, c’est ce que je suis.
Prie avec moi."
Mais Kerry refuse, se lève et s’en va.
LA COLERE
Sa mère la suit et les deux femmes s’expliquent dehors, mais sans atteindre la compréhension. Helen dit à Kerry que son comportement est mal, lui demande pourquoi les gens comme elle méprisent la foi. Parce que les gens comme sa mère n’ont pas le Foi de croire que Dieu avait ce qu’il faisait et qu’il les a créé aussi, répond Kerry. Elle n’accepte pas que la foi qu’elle partage l’exclue comme une pécheresse à cause de ceux qu’elle aime.
"Ceux que tu as choisi d’aimer !
Il y a un choix que j’ai fait : celui de refuser de vivre un mensonge à propos de ce qu’elle est.
Mon hôtel est proche. Je pense que je vais marcher", dit Helen avant de s’éloigner.
Kerry repasse aux urgences pour voir Carter et Neela en venir au main avec leur patiente effectivement accro au démérol, et Pratt qui vient de constater que jane a pu gérer la patiente qui lui donnait des difficultés lui dire qu’il veut bien la superviser à nouveau quand elle veut.
Et elle croise Kovac, qui lui parle de Sam qui essaye d’être une mère autant qu’elle peut.
L’ACCEPTATION
Kerry est debout dans la rue, sur le bord d’un trottoir. Le froid glacial souffle autour d’elle ; elle ajuste son bonnet. Son regard est fixé sur l’entrée d’un hôtel. Enfin, elle se décide, traverse rapidement la chaussée, passe en trombe devant le portier, comme sans le voir. Arrivée devant une des chambres de l’hôtel elle frappe et s’annonce. Une femme lui ouvre, Helen. Kerry lui dit qu’elle ne veut pas en rester là, sur les choses qu’elles se sont dites. Si c’est son cas, par contre, elle s’en ira. Comme si elles ne s’étaient jamais rencontrées.
A l’intérieur de la chambre, Helen explique qu’on répète un jour comme celui-ci longtemps dans sa tête, imaginant chaque scénario. Sauf celui-là, ajoute Kerry. Helen se demande si c’est parce qu’elle l’a abandonnée que Kerry a eu cette vie. Bien sûr que non. Kerry lui dit qu’elle ne devrait pas être déçue par la vie que mène sa fille, mais plutôt par les limites de sa Foi. Mais après avoir abandonné cet enfant, Helen n’avait plus de vie, plus de direction, plus de repère. Tout ça, sa Foi le lui a donné. Elle ne peut pas l’abandonner à son tour. Kerry pose la seule question qui compte : sa mère peut-elle l’accepter pour ce qu’elle est ? Helen lui répond qu’elle peut l’aimer. Mais Kerry ne veut pas d’amour sans acceptation. C’est elle qui accepte. Ce que sa mère est, ce que sa relation avec elle ne pourra jamais être. "C’était si bon de te rencontrer", dit Kerry en serrant sa main dans ses bras, avant de s’en retourner.
Kerry repart, le regard embué mais droit devant elle. Tournant le dos à une femme qui ne peut pas l’accepter telle qu’elle est, telle qu’elle se sent bien. Une femme qui, dès lors, ne peut pas être une mère.
* * *
A quoi sert la vie privée des personnages dans Urgences ? A quoi servent ces séquences, plus ou moins exceptionnelles, où la caméra suit les personnages hors de leur environnement professionnel pour les suivre jusque chez eux. Après tout, le but fondamental de la série est de nous parler d’un service médical et d’en suivre les aléas, pas de chroniquer au jour le jour la vie de ceux qui y travaillent. D’ailleurs on a vu que si ces gens sont importants, ils peuvent aller et venir. Aucun personnage ne s’est révélé indispensable à la série. L’hôpital est le héros. Alors, à quoi bon ? Pourquoi ? A cette question, il existe deux réponses. Celle des mauvais/es épisodes/saisons, et celle des bon/nes.
En règle générale, nous ne sommes pas de complets schizophrènes. Même si on choisit de garder sa vie privée privée vis à vis de ses collègues, même si on est un professionnel émérite comme la plupart des médecins du County, il est tout simplement impossible de laisser totalement sa vie personnelle à la porte de son boulot. A certains moments, des événements dramatiques, de grandes joies, de grandes peines, vont nécessairement affecter votre comportement, colorer la manière dont vous communiquez avec collègues, affecter la patience dont vous saurez faire preuve.
Il est bien possible que cet épisode soit la meilleur illustration de cette idée de toute la série. Au fur et à mesure que la mère de Kerry souffle le chaud et le froid, on peut voir le médecin chef interagir avec ses collègues sous les différentes variantes de sa personnalité qu’on lui connaît. Elle reste elle-même - en cela, l’épisode ne tombe pas dans la caricature, ne force pas exagérément le trait. Mais cette personnalité se trouve plus ou moins altérée, positivement ou négativement par sa situation émotionnelle.
Au-delà de cette illustration parfaitement exécutée d’un axe majeur de la série, il est évident que cet épisode se distingue, autant superficiellement que profondément, par la nature de ce qui provoque chez Kerry ces sautes d’humeur.
Quelque part, il faut avouer que le coming out de Kerry - même s’il n’était pas mal fait, même s’il faisait sens, même s’il était génial dans l’opposition du personnage avec Romano - a toujours eu un arrière goût de...quota.
Urgences était une grande série, il lui fallait son gay ou sa lesbienne ; ce personnage traînait par là, largement inutilisé sur le plan personnel, avec un passé de vieille fille tendance éternelle célibataire. C’était donc décidé, d’un jour à l’autre, Kerry devenait lesbienne, et ce fait serait par la suite utilisé avec plus (Romano) ou moins (la garde de l’enfant) de bonheur.
Quelque part, cet épisode a effacé cette impression pour moi, parce qu’on ne peut pas garder de ressentiment envers des scénaristes capables de faire preuve d’autant d’intelligence dramatique, de subtilité, de refus du pathos guimauve. (Dommage que ce soit les mêmes qui n’aient fait preuve d’absolument rien de tout cela à l’occasion de cette story-line sur la mort de la fiancée de Kerry et la garde de leur enfant la saison dernière).
La quête de ses origines biologiques est l’arc personnel qui est depuis le plus longtemps associée à ce personnage. D’espoirs en désillusions, de périodes de résignation en retour de détectives privés sinistres, cette intrigue a déjà régulièrement balloté Kerry et le public de la série, et l’a plutôt bien fait. C’est pay-off day, aujourd’hui. Mais rien n’est simple.
Car, alors qu’on partage le bonheur de Kerry d’enfin retrouver ce lien constructeur qui lui a tant manqué - même si elle a eu des parents adoptifs aimants, même si elle a réussi sa vie, même si elle est heureuse, au fond - on sent avec elle monter la peur, comme une lame dans l’estomac. Patiemment, subtilement, le script introduit en effet des éléments de doutes. Cette mère qui revient aujourd’hui retrouver un enfant qu’elle a abandonné à une vie meilleure que ce qu’elle pouvait espérer lui offrir à 15 ans, cette mère qui, jamais, n’aurait avorté, qui chante à l’église, qui croit viscéralement, cette mère-là est-elle capable aujourd’hui d’accepter son enfant dans tout ce qu’elle est ?
Et Kerry ? Elle qui a longtemps vécu cachée, couchée, avant de s’affirmer, d’exister face à ses collègues, face à Romano, et d’abord et surtout face à elle-même, jusqu’à quel point peut-elle accepter de payer pour vivre l’aboutissement heureux d’une quête qui l’a habitée pendant des années ?
Que sont nos parents pour nous ? Que sont les enfants pour leurs parents ? Quel lien indestructible existe vraiment, ou n’existe pas, entre eux ?
A ces interrogations multiples et floues, l’épisode n’apporte pas de réponses faciles. Juste la vérité d’un personnage fort qui s’est affirmé avec détermination.
Cette vérité ne pouvait espérer de meilleur mode d’expression que le jeu époustouflant de Laura Innes. Les expressions qui la parcourent, la profondeur de son regard, notamment dans l’immense scène du restaurant, résonnent puissamment. Ses regards qui se perdent, son trouble qui s’affiche. Les tremblements nerveux de ses lèvres. Son ’oui’ un peu trop fort lorsque, enfin, sa mère redescend sur Terre et lui pose directement LA question. Tout est juste, tout sonne vrai. Elle rend justice à une écriture tendue, sur la corde raide qui, à aucun moment ne bascule. Qui, jamais, ne cède au spectaculaire au détriment de la vérité. Difficile de ne pas se sentir impliqué dans ce qu’elle vit. Pour autant qu’on soit un peu concerné, difficile de ne pas être profondément touché.
Au sein d’une saison qui tente avec un certain succès de revenir aux basics (des cas médicaux forts, le teaching hospital, une vie privée des personnages non envahissante et traitée dans son rapport à leur vie professionnelle), voici une nouvelle marque de courage des scénaristes qui semblent ne plus en manquer. Une intrigue forte, des personnages bien conçus mis en avant... Dans ces moments, on peut se souvenir à quel point Urgences est une grande série.